Taux élevés : quel impact sur le financement externe des entreprises ?
Les entreprises ont appris depuis des mois à évoluer dans un contexte macroéconomique particulièrement incertain, tant sur le plan économique, politique que géopolitique, qui a conduit à un durcissement des conditions d’octroi de crédits. Quel est l’impact sur leur santé et leur capacité à se financer ? Une question d’autant plus d’actualité que la baisse des taux d’intérêt amorcée récemment s’annonce lente et progressive.
Les défaillances d’entreprises sont résolument reparties à la hausse : d’après les données de la Banque de France, elles ont atteint sur les douze derniers mois cumulés le chiffre de 63 095 à fin juillet 2024. La barre des 65 000 pourrait être franchie en 2024. Après les « années Covid » au cours desquelles de nombreuses aides publiques ont permis aux entreprises fragilisées de poursuivre leur activité, le retour à la « normale » est douloureux pour nombre d’entre elles.
Contexte macroéconomique difficile
Car le contexte macroéconomique a été particulièrement chahuté depuis 2020. Les difficultés d’approvisionnement pendant la crise sanitaire, l’envolée des prix de l’énergie, l’inflation, la hausse des taux d’intérêt bancaires pour endiguer cette même inflation, les conflits armés dans le monde puis l’instabilité politique en France ont rendu le climat des affaires très tendu. La hausse des taux d'intérêt dans ce contexte difficile a en effet constitué un véritable défi pour les TPE-PME. L’augmentation des coûts de financement et des conditions de crédit plus strictes ont pu compromettre leur développement, voire la survie des plus vulnérables.
Aujourd’hui, si des signaux positifs se font sentir – le ralentissement de l’inflation et la baisse des taux d’intérêt par exemple –, la dynamique de croissance des entreprises est freinée par une faible demande. Les entreprises sont victimes d’un « effet ciseaux », avec d’un côté une augmentation de leurs dépenses et de l’autre une baisse de leurs revenus en raison de la contraction de la demande.
Stabilisation de la trésorerie
Malgré cette conjoncture défavorable, les entreprises sont parvenues à stabiliser leur situation de trésorerie. Celle-ci a largement fondu depuis 2021 où elle avait atteint des niveaux très élevés, mais la baisse semble s’être interrompue. « Un quart des TPE-PME jugent leur trésorerie difficile, une proportion stable sur un an », précise l’Enquête de conjoncture du premier semestre 2024 auprès des TPE-PME réalisée par BPI France.
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Capacité de remboursement des PGE
Les défauts de remboursement des Prêts Garantis par l’État (PGE) sont faibles, à hauteur de 4 % des prêts octroyés aux TPE-PME. Toutefois, le remboursement des PGE peut avoir accentué les difficultés de certaines entreprises : lorsque le Fonds de solidarité a pris fin et que les URSSAF ont arrêté d’accorder des facilités de paiement, nombre d’entreprises ont signé des moratoires fin 2021 leur permettant de rééchelonner leurs paiements jusqu’en 2023. À échéance, l’assignation par les URSSAF des débiteurs ne pouvant honorer le moratoire a constitué une part importante de la hausse des défaillances en 2023 et début 2024 d’après le cabinet Altares. De plus, du fait du remboursement de leur PGE, les entreprises en manque de capacité de financement peuvent peiner à convaincre les banques de leur accorder de nouveaux crédits de trésorerie ou d’investissement. Or, moins on investit, plus on réduit la chance de relancer son activité.
Toutefois, la Médiation du crédit souligne dans une communication du 29 août 2024 que « les entreprises se sont montrées résilientes au travers des crises qui se sont succédées depuis 2020 et l’accès au financement bancaire a été assuré dans de bonnes conditions. Dans cette situation, le niveau de sollicitations de la Médiation du crédit n’a cessé de se réduire (…). Au premier semestre 2024, la Médiation du crédit a recensé 672 demandes éligibles. Cette faible sollicitation concerne les médiations classiques de même que celles liées aux restructurations des Prêts Garantis par l’État ». C’est plus le ralentissement de l’activité économique en 2024 et l’augmentation des défaillances d’entreprise qui « appellent à la vigilance et à mieux faire connaître les dispositifs existants de détection précoce et de soutien aux entreprises en difficulté », préconise l’institution.
L’obstacle persistant du coût du crédit
D’après l’Enquête de conjoncture de BPI France, « le coût du crédit, qui était devenu fin 2023 le 1er obstacle à l’investissement en raison de l’envolée des taux d’intérêt accordés aux PME (passant de 1,4 % en avril 2022 à 5,2 % en décembre 2023), reste un obstacle majeur. Il est toutefois moins puissant qu’au semestre précédent (cité comme obstacle par 49 % des dirigeants en mai 2024 après 56 % en novembre 2023), alors que les taux d’intérêt accordés aux PME ont commencé à refluer (4,9 % en avril 2024). La faiblesse de la demande redevient ainsi le principal frein à l’investissement. »
Toujours selon BPI France, l’accès au crédit de trésorerie, après s’être durci en raison de la hausse des taux, se stabilise au premier semestre 2024, tandis que les difficultés d’accès au crédit d’investissement « refluent légèrement ». Pour la banque, « la principale raison explicative à ces difficultés de financement à long terme, demeure la fragilité financière de l’entreprise, pour 2/3 des entreprises concernées (69 % soit +5 points en 1 an) ». Le contexte de baisse des taux n’a pas encore d’effet notable : « le coût du crédit reste un obstacle majeur à l’investissement (…). 49 % des dirigeants le considèrent comme un frein important voire insurmontable, une proportion en baisse sur le semestre après un record à 56 % en novembre 2023 et proche de celle observée il y a un an, mais encore nettement supérieure à son niveau d’avant crise », précise l’enquête. De son côté, la Banque de France, dans son bulletin Stat Info du 2 août 2024, souligne la stabilité des demandes de crédit depuis plusieurs trimestres pour les PME à un niveau bas : 6 % pour les PME, avec un taux d’obtention qui se tasse : « 78 % des PME ont obtenu leur crédit en totalité ou à plus de 75 %. » La part de PME ayant demandé de nouveaux crédits d’investissement est stable, à 19 %. À noter, un message optimiste de la part de la Banque de France : « la proportion d’entreprises déclarant une stabilité voire une baisse du coût global du crédit continue d’augmenter. »
Repenser son financement externe
Les entreprises ont la possibilité de se refinancer, c’est-à-dire de remplacer un prêt existant par un nouveau à des conditions plus avantageuses afin de réduire le coût global de l’emprunt. La réduction du taux d’intérêt et l’allongement de la période de remboursement sont au cœur de ce refinancement. Elles peuvent aussi envisager un refinancement plus global, en consolidant plusieurs prêts en un prêt unique afin d’optimiser leur gestion de la dette.
Pour faire face au durcissement des conditions de leur financement, les TPE-PME peuvent aussi diversifier leurs sources de financement, en réduisant leur dépendance aux crédits bancaires. Des solutions alternatives comme le crowdfunding ou la négociation de délais de paiement plus avantageux avec les fournisseurs sont à étudier.
Autre piste : optimiser la trésorerie, en faisant appel à l’affacturage. Cette technique de financement, qui permet de gérer de manière proactive les créances clients, peut se substituer ou compléter des prêts bancaires. Avec cette solution, le factor avance des liquidités dès l’émission des factures et se charge du recouvrement des créances. L’entreprise bénéficie ainsi d’un renforcement immédiat de sa trésorerie : un atout clé en période d’incertitude.