BTP : vers une sortie de crise en 2025 ?
Le marché du BTP a été touché de plein fouet par la conjoncture économique depuis deux ans. En 2024, le chiffre d’affaires du secteur a diminué de plus de 6 %. 13 000 défaillances d’entreprises ont été recensées, générant la perte de 35 000 emplois. Avec la baisse des taux d’intérêt de l’immobilier et une loi de finances favorable aux acteurs du bâtiment, 2025 sera-t-elle l’année de la reprise ?
Depuis la crise sanitaire du Covid-19, le secteur du bâtiment a subi une multitude d’aléas qui sont venus mettre un terme à des années de croissance. Augmentation du prix des matériaux, difficultés d’approvisionnement, envolée des prix de l’énergie, inflation, augmentation des taux d’intérêt… autant de freins au bon fonctionnement d’un secteur déjà fragilisé par sa dépendance aux décisions publiques en matière de politique de construction, d’incitations à l’achat et de rénovation énergétique.
Chute du marché en 2024
D’après la Fédération Française du Bâtiment (FFB), le recul de l’activité s’est manifesté dès 2023, avec une baisse de 0,9 %. Il s’est ensuite fortement accentué en 2024 avec une chute du chiffre d’affaires de 6,6 %. Ce sont ainsi quelque 12 à 13 milliards d’euros de chiffre d’affaires en moins pour la profession, dont la grande majorité des branches ont été touchées.
Le logement neuf en premier lieu, pénalisé entre autres par la fin du dispositif Pinel, avec une chute de chiffre d’affaires de près de 22 % en 2024, suivi par la construction neuve non-résidentielle, en recul de 7,4 %. D’après les données du ministère de l’Aménagement du territoire et de la Transition écologique, 330 400 logements ont été autorisés à la construction en 2024, soit une baisse de 12,3 % sur les douze mois précédents et de 28 % par rapport aux 12 mois précédant la crise sanitaire (mars 2019 à février 2020).
Les hébergements hôteliers ont mieux résisté que les bureaux, commerces, bâtiments industriels publics. Tandis que la branche rénovation thermique des bâtiments, publics en particulier, a enregistré une progression de 1,2 %.
En analysant les données du dernier trimestre 2024, la FFB note que « dans le neuf, les logements individuels et les surfaces de bâtiments non résidentiels commencés poursuivent leur chute aux environs de -15 % en glissement annuel sur le quatrième trimestre. En revanche, les ouvertures de chantiers de logements collectifs se redressent grâce au programme de rachat des stocks des promoteurs par Action Logement et CDC Habitat. Concomitamment, le chiffre d’affaires dans l’amélioration-entretien se contracte de 0,2 % en volume, alors que ce segment demeurait le seul en croissance. Ainsi sur la même période, l’activité recule globalement de 9,9 %. » Les défaillances d’entreprises sont en hausse de 13,8 % sur cette même période, alors que les créations d’entreprise diminuent de 13,7 % (hors micro-entreprises).
Baisse des taux de crédit immobilier : un nouveau souffle pour la construction ?
Avec le fléchissement de l’inflation, la Banque centrale européenne relâche progressivement sa pression sur les taux d’intérêt directeurs, ce qui se traduit mécaniquement par une baisse des taux des crédits immobiliers.
« Les taux des crédits immobiliers aux particuliers poursuivent leur baisse pour atteindre 3,38 % en moyenne sur le dernier trimestre de 2024, hors frais et assurances. La reprise du marché du crédit immobilier se poursuit, la production dans le neuf affichant une hausse de 26 % en glissement annuel sur trois mois à fin décembre 2024 », précise la FFB dans sa note « Tendances récentes du bâtiment - Février 2025 ». Cet infléchissement des taux devrait faciliter l’assouplissement des banques dans l’octroi des crédits, condition indispensable à la reprise du marché immobilier.
Une loi de finances 2025 favorable au bâtiment
Le budget 2025 promulgué par le gouvernement Bayrou comprend des mesures en faveur de la relance du marché. Les acteurs du bâtiment ont le sentiment d’avoir été entendus et sont rassurés, alors que le projet initialement porté par le gouvernent Barnier était bien moins enclin à soutenir le secteur de la construction. Parmi les principales mesures adoptées,
citons :
- Le rétablissement d’un Prêt à Taux Zéro (PTZ) ouvert à tout le territoire et à tous types de logements, du 1er avril 2025 au 31 décembre 2027. Ce prêt, soumis à conditions de ressources, exempte l’emprunteur du remboursement d’intérêts et aide donc au financement de l’achat ou de la construction d’une résidence principale.
- La défiscalisation des donations et successions en faveur de l’achat d’une résidence principale jusqu’à fin 2026. Les dons d’argent aux enfants, petits-enfants et arrières petits-enfants sont exonérés de droits de mutation s’ils sont destinés à l’achat ou à la construction d’une résidence principale ou aux travaux de rénovation énergétique de ce bien. Cette exonération est plafonnée à 100 000 € par donateur et à 300 000 € par bénéficiaire. Seule condition : conserver ce bien immobilier pendant au moins cinq ans.
- L’allègement de la Réduction du Loyer de Solidarité (RLS) à la charge des bailleurs sociaux, de 1,3 milliard à 1,1 milliard d’euros, en contrepartie de la construction de logements sociaux.
- Le maintien du budget de MaPrimeRenov’, un dispositif d’aide au financement de la rénovation énergétique des logements, soumis à conditions de revenus et variable selon le type de travaux prévus.
La Confédération de l'Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment (CAPEB) souligne d’autres mesures de satisfaction et de nature à soutenir l’activité des artisans du bâtiment : « La suppression des formulaires CERFA pour l’attestation des taux de TVA réduits sur les travaux de rénovation » et « la mise en place d’un seuil unique de franchise de TVA à 25 000 euros, qui permet de renouer avec la vocation initiale des micro-entreprises, à savoir celle d’un tremplin vers une activité pérenne et un statut protégeant mieux le chef d’entreprise ». Une ombre au tableau : l’augmentation brutale du taux de TVA à 20 % sur l’installation des chaudières gaz, contre 5,5 % précédemment.
En revanche, elle déplore que le projet de loi de finance de la Sécurité sociale 2025 engendre « l’alourdissement des charges patronales par la révision de la réduction générale des cotisations » et pèse sur la rémunération des apprentis. « En augmentant les charges qui pèsent sur le salaire des apprentis, ce texte risque d’affaiblir leur pouvoir d’achat, de compromettre la montée en compétences de l’artisanat du bâtiment – tout particulièrement fondée sur l’apprentissage – ainsi que l’attractivité de ces métiers, à un moment où le secteur devra créer jusqu’à 300 000 emplois d’ici 2030 », explique-t-elle dans un communiqué de presse suite au vote du PLFSS.
Des perspectives encore sombres
La FFB, qui anticipait la perte de 100 000 emplois si rien ne changeait, est un peu plus optimiste depuis l’adoption du budget. « L’opiniâtreté a payé : les combats constants et argumentés de la FFB et de l’Alliance pour le Logement permettent de valider progressivement les conditions d’une reprise, a déclaré son président, Ollivier Salleron. Après une réouverture du marché du crédit immobilier, celle de l’environnement institutionnel redonne de l’espoir aux artisans et entrepreneurs du bâtiment. Reste toutefois à s’assurer de la mise en œuvre rapide de ces mesures, alors que l’année 2025 s’annonce très compliquée pour le secteur. »
Début janvier, la FFB pronostiquait une contraction de l’activité dans le bâtiment en 2025 de 5,6 % en volume.