Évolution du couple inflation/taux d’intérêt : quelles conséquences sur la relance de l’activité économique ?

Mis à jour: 2 avril 2025
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Depuis la crise sanitaire du Covid, la hausse des prix à la consommation, des prix de l’énergie et des matières premières ont généré une nette accélération de l’inflation. Très marquée en 2022 et 2023, l’inflation a ralenti en 2024 et reste modérée début 2025. Ce phénomène a conduit à un accroissement des taux d’intérêt et donc une augmentation du coût du crédit pour les particuliers et les entreprises. La relance économique repose en partie sur une stabilisation de l’inflation et une baisse des taux. Dans les faits, qu’en est-t-il ? Focus sur le BTP et le transport de marchandises. 

Quel est le lien entre inflation et taux d’intérêt ?

L’inflation est définie comme une augmentation générale et durable des prix. Elle impacte donc le pouvoir d’achat puisqu’un même bien ou service coûte plus cher. On estime que le taux d’inflation doit être inférieur à 2 % pour ne pas impacter trop fortement le fonctionnement de l’économie. Pour réguler l’activité économique, la Banque centrale européenne (BCE) joue sur le montant des taux directeurs, les taux d’intérêts auxquels elle prête de l’argent aux banques commerciales. Une augmentation des taux directeurs entraîne donc mécaniquement une limitation ou une baisse de l’inflation puisque les banques commerciales répercutent cette augmentation sur les taux d’intérêt des crédits qu’elles accordent à leurs clients, particuliers comme entreprises. Conséquence : les emprunts et les investissements sont réduits, l’activité est ralentie, de même que l’augmentation des prix.

Ces dernières années, cette politique monétaire a été largement utilisée pour endiguer le rythme de hausse de l’inflation : la BCE a augmenté dix fois ses taux directeurs entre juillet 2022 et septembre 2023, avant d’engager une baisse à partir de juin 2024. Depuis, la banque centrale a baissé à six reprises ses taux. Le taux de dépôt, qui fait référence, a été fixé à 2,50 % le 6 mars dernier. Dans le même temps, l’inflation a été ramenée à 2 % en France en 2024, contre 4,9 % en 2023 et 5,2 % en 2022.

Toutefois, au vu des tensions géopolitiques actuelles, il est difficile de savoir si les taux directeurs européens vont poursuivre leur baisse. Aux États-Unis, l’inflation est repartie à la hausse suite à l’augmentation des droits de douane imposés sur certains produits importés. Notre dépendance aux produits américains étant très importante, il est difficile d’imaginer que les entreprises françaises seront épargnées par le ralentissement de l’économie américaine.

Volatilité des prix de l’énergie et des manières premières, un impact sur la trésorerie

Fioul, gaz, électricité : aucune source d’énergie n’a été épargnée par des fortes variations de prix ces dernières années. En cause notamment : la guerre en Ukraine, qui s’est traduite par une envolée historique des prix de l’énergie en 2022 et 2023, et une stabilisation en 2024. Ces postes de dépenses ont pesé sur les marges des entreprises, contraintes d’absorber ces coûts pour poursuivre leur activité. Si la « crise énergétique » semble derrière nous, l’augmentation du prix de l’électricité observée ce début d’année pourrait encore peser lourd dans le bilan des entreprises et freiner leurs efforts de décarbonation.

En plus de l’instabilité des prix des combustibles fossiles, la volatilité des prix d’autres matières premières depuis la crise sanitaire est également pénalisante pour l’activité des entreprises. Ces matières – minerais et métaux, bois, sable, produits alimentaires… –, qui entrent dans la fabrication de produits finis, ont un impact direct sur les coûts de revient des entreprises. Les augmentations des prix des matières premières ne peuvent pas systématiquement être répercutés sur les prix de ventes, ce qui réduit d’autant les marges des entreprises et leur trésorerie. Moins rentables, les entreprises disposent donc d’une capacité de financement plus réduite, ce qui freine leurs investissements et par conséquent l’activité économique dans son ensemble. De leur côté, les ménages, dont le pouvoir d’achat a été rogné par l’inflation et l’augmentation du coût des crédits bancaires, ont aussi réduit leur consommation de biens.

D’après le baromètre « Trésorerie, Investissement et Croissance des PME / TPE » du 1er trimestre 2025 de Bpifrance Le Lab et Rexecode, « l'érosion de la trésorerie s'interrompt ce trimestre et les dirigeants n’en prévoient pas de redressement dans les prochains mois. 34 % des TPE-PME jugent leur situation de trésorerie difficile. » Par ailleurs, « l'insuffisance de la demande (actuelle et future) exerce à nouveau un frein puissant à la croissance selon 60 % des dirigeants de PME/TPE, une proportion stable à un niveau record (hors période Covid). » Concernant l’investissement, l’étude mentionne que « dans ce contexte de demande toujours affaiblie et d'incertitude politique, et alors que les difficultés d’accès au crédit d’investissement progressent, les TPE-PME révisent à la baisse leurs budgets d'investissement. La proportion de dirigeants prévoyant d’investir se redresse certes ce trimestre (47 % pour 2025 après 43 % fin octobre pour l’année 2024), mais elle est inférieure de 4 points à la proportion atteinte un an plus tôt. » 

La baisse des taux favorise la relance du BTP

Le secteur du bâtiment a été fortement impacté par la hausse des taux d’intérêt qui a généré une crise de l’immobilier. Toutefois, la Fédération Française du Bâtiment a revu ses prévisions de ventes à la hausse en mars 2025, grâce à l’amélioration sur le marché du crédit immobilier, la révision des chiffres officiels de mises en chantier de logements sur 2023 et 2024 (40 000 unités de plus) et la rapide matérialisation en chantiers du plan Action Logement-CDC Habitat. « En supposant de premiers effets significatifs à l’automne pour les mesures de la loi de finances, la FFB retient un recul de l’activité en logement neuf limité à -5,4 % en volume sur 2025, après -19,1 % en 2024 », explique-t-elle dans un communiqué. En revanche, « compte tenu des délais de production et de la chute continue des ouvertures de chantier sur les deux dernières années, on constatera toutefois un recul accéléré de l’activité en non résidentiel neuf, à -8,4 % en volume en 2025 ». L’activité en amélioration-entretien devrait modestement progresser de 0,6 %. Au global, la FFB prévoit une évolution de l’activité du secteur de -2,6 % en 2025.

 

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Transport de marchandises, un secteur à la peine

Ces dernières années, les entreprises de transport ont subi de plein fouet les augmentations des prix du carburant et le ralentissement de l’activité. Au dernier trimestre 2024, environ 900 entreprises de transport ont connu une défaillance, soit une hausse de +23,6 %. D’après les données du cabinet Altarès « la tendance est cependant un peu moins lourde pour le transport routier de marchandises (+13 %) tiré par le fret de proximité (+11 %) ». Au total sur l’année 2024, les défaillances d’entreprises de transport routier de marchandises ont progressé de plus de 39 %. On compte 1 365 entreprises mises en liquidation judiciaire, 568 en redressement et 26 en procédure de sauvegarde.

La Fédération Nationale des Transports Routiers (FNTR) constatait, dans un communiqué publié en janvier 2025, des indicateurs de conjoncture « à un niveau extrêmement bas, sans perspective d’amélioration à moyen terme », alors que l’activité est globalement en baisse depuis 2022. Dans un contexte économique morose, près de 50 % des chefs d’entreprise du secteur ont constaté une baisse d’activité au 4e trimestre 2024 et ne prévoyaient aucune amélioration au 1er trimestre 2025. 

Et demain, quel impact des hausses douanières non tarifaires ?

L’instauration de barrières commerciales, telles que l’augmentation des droits de douane en cours d’instauration aux États-Unis sur certains produits, est susceptible de déclencher des effets en cascade et de ralentir l’activité économique mondiale. Cette « guerre commerciale », motivée par une politique protectionniste, alimente l’incertitude économique et les risques de dérapages. Elle risque notamment de rendre nos produits trop chers et donc moins compétitifs sur le marché américain, mais aussi de générer de l’inflation outre-Atlantique et donc une augmentation du prix des produits que nous importons. Ce qui nous replongerait dans une période de hausse du couple inflation/taux d’intérêt.